La France condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour l’insuffisance de sa protection vis-à-vis d’un mineur étranger non accompagné (« MNA »)
CEDH, 16 janvier 2025, Affaire A.C c. France (n° 15457/20)
Au terme d’un exposé des faits particulièrement détaillé et représentatif du parcours des jeunes mineurs étrangers isolés, depuis leur arrivée sur le territoire français, jusqu’à leur prise en charge (ou refus de prise en charge) par l’aide sociale à l’enfant, la CEDH conclut à la violation de l’article 8 de la convention relatif au droit au respect de la vie privée et familiale.
1.
La Cour constate que les différentes étapes administratives et judiciaires du parcours du jeune ressortissant guinéen sont émaillées de plusieurs négligences des autorités ayant conduit l’intéressé à recevoir des informations partielles et insuffisantes à la compréhension de sa situation.
La Cour relève notamment un défaut de motivation de l’ordonnance de non-lieu à assistance éducative, et le caractère stéréotypé de la décision du président du conseil départemental, qui ne comportait pas de « motivation personnalisée susceptible d’éclairer le requérant sur les raisons ayant conduit à ce que sa minorité soit écartée », et ne portait pas la mention complète des voies et délais de recours.
La juridiction conclut à la violation de l’article 8 de la CEDH, selon l’analyse suivante :
« 182. D’un tel cumul de lacunes dans les informations portées à la connaissance du requérant, à la fois incomplètes et imprécises, alors que sa minorité était en cause et qu’il devait, de ce fait, être regardé comme présentant une vulnérabilité particulière, la Cour conclut que la présomption de minorité dont il bénéficiait a été renversée dans des conditions concrètes qui l’ont privé de garanties procédurales suffisantes.
183. Ces éléments suffisent à la Cour pour constater que, malgré l’existence d’un cadre juridique interne comportant en principe les garanties procédurales minimales requises, les autorités compétentes n’ont pas, en l’espèce, agi avec la diligence raisonnable et ont manqué à leur obligation positive de garantir le droit du requérant au respect de sa vie privée (Darboe et Camara, précité, § 157). »
2.
Elle écarte en revanche le moyen tiré de la violation de l’article 13 de la CEDH, relatif au droit à un recours effectif devant les juridictions nationales, estimant que :
- malgré la décision de refus de prise en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance par le président du conseil départemental, le juge des enfants (voire le Procureur) peut ordonner, à titre provisoire, en application de l’article 375-5 du code civil, des mesures d’assistance éducative ;
- le juge des enfants peut également prononcer l’octroi de mesures d’assistance éducatives et confier le jeune au service de l’aide sociale à l’enfance ;
- dans l’attente de la décision du juge des enfants, le requérant peut saisir le juge administratif du référé liberté, « qui a le pouvoir d’enjoindre au département de poursuivre son accueil provisoire lorsque l’appréciation portée par cette autorité interne sur l’absence de qualité de mineur isolé de l’intéressé est manifestement erronée et que ce dernier est confronté à un risque immédiat de mise en en danger de sa santé ou de sa sécurité. »
« 211. La Cour en conclut que les recours offerts par le droit interne remplissent, combinés entre eux, les exigences de l’article 13 combiné avec l’article 8 de la Convention en permettant qu’un mineur non accompagné soit pris en charge à titre provisoire par le département, malgré une décision initiale de refus, dans l’attente que le juge des enfants se prononce sur sa minorité et son isolement. »