Zéro artificialisation nette et friches

Article paru dans La Vie Nouvelle - Les Affiches de Savoie le 2 juin 2022

https://www.la-vie-nouvelle.fr/infos/droit-et-chiffre/loi-climat-et-resilience-et-friches-urbaines%e2%80%89-quel-potentiel-durbanisation%e2%80%89/

Loi Climat et résilience et friches urbaines : quel potentiel d’urbanisation ?

Par Me Hélène Hourlier et Me Clémentine Métier, avocates au Barreau de Chambéry.

La problématique de l’artificialisation des sols a fait irruption  depuis quelques années dans le débat public et s’est traduite dans la  planification et la réglementation d’urbanisme. Elle fait désormais  l’objet, avec la loi Climat et résilience de 2021, d’une définition  précise et d’objectifs chiffrés de réduction sous les termes de zéro  artificialisation nette.
Dans un premier temps, la question a été abordée sous l’angle de la  régulation de la consommation foncière, qui devient l’un des objectifs  essentiels de la planification urbaine, notamment à l’échelle des  schémas de cohérence territoriale (SCoT). Les règles d’urbanisme doivent  ainsi favoriser la densification des espaces bâtis et la limitation de  l’extension de l’enveloppe urbaine. Ces mesures n’ont toutefois permis  qu’un ralentissement relatif de l’artificialisation des sols. En outre,  la seule limitation de la consommation foncière ne permet pas de  maîtriser les impacts écologiques, car la qualité des sols n’est pas  prise en compte.

L’OBJECTIF ZÉRO ARTIFICIALISATION NETTE DANS LA PLANIFICATION URBAINE

L’adoption de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte  contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à  ses effets, dite loi Climat et résilience, a pour objectif de lier la  question de l’artificialisation des sols à celle de la protection de la  biodiversité, et également de fixer un objectif chiffré et plus  ambitieux de réduction de l’artificialisation des sols, résumé sous  l’appellation de zéro artificialisation nette (ZAN). Celle-ci est  apparue en 2018, mais revêt désormais une portée législative. L’objectif  est clair : – 50 % d’artificialisation nette d’ici 2030, jusqu’à  atteindre zéro en 2050.
L’article 191 de la loi Climat et résilience énonce : « Afin  d’atteindre l’objectif national d’absence de toute artificialisation  nette des sols en 2050, le rythme de l’artificialisation des sols dans  les dix années suivant la promulgation de la présente loi doit être tel  que, sur cette période, la consommation totale d’espace observée à  l’échelle nationale soit inférieure à la moitié de celle observée sur  les dix années précédant cette date. (…) »
Précisons que l’artificialisation se définit comme « l’altération  durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en  particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques,  ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage »  (art. L. 101-2-1 du Code de l’urbanisme). Le décret n° 2022-763 du  29 avril 2022 a en outre établi une nomenclature des espaces devant être  considérés comme artificialisés ou non.
L’objectif ZAN devra très rapidement être intégré aux documents de  planification et de réglementation de l’urbanisme. Les autorités  chargées de leur élaboration devront prendre en compte cette contrainte  supplémentaire pour encadrer de façon encore plus précise les projets de  développement de l’urbanisation.
Dans ce contexte contraint, la réutilisation des friches urbaines  représente un enjeu majeur pour les collectivités. Étant précisé que  l’objectif ZAN induit une lecture à double sens : à la fois en vue du  recyclage des friches, mais également, par la compensation de  l’artificialisation nouvelle par la « renaturation » d’autres surfaces.

LE RECYCLAGE URBAIN DES FRICHES

La loi Climat et résilience introduit une définition de la friche, à l’article L. 111-26 du Code de l’urbanisme : « On  entend par “ friche ” tout bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti,  inutilisé et dont l’état, la configuration ou l’occupation totale ou  partielle ne permet pas un réemploi sans un aménagement ou des travaux  préalables. » Le Code de l’urbanisme impose désormais une  évaluation et une intégration des surfaces des friches dans les PLU  (art. L. 151-5). La loi prévoit également des dispositifs destinés à  favoriser la réutilisation des friches, notamment la possibilité de  déroger aux règles d’urbanisme relatives au gabarit des constructions et  aux espaces de stationnement. Certaines règles spécifiques s’appliquent  par ailleurs à l’urbanisme commercial.
À ces dispositions légales s’ajoutent des mesures financières, dont  en particulier, dans le cadre du plan de relance, la création d’un  « fonds friches » (100 M€ en 2022). Ces fonds permettent de  subventionner des projets d’aménagement urbain, de revitalisation de  cœurs de villes ou de périphéries, des projets de requalification de  sites ou de reconversion de friches polluées. À Chambéry, par exemple,  la reconversion du site Vetrotex de 59 000 m² a bénéficié d’une  subvention d’1,10 M€. Certains projets d’ampleur beaucoup plus modeste  ont également pu bénéficier du fonds, tels que la réhabilitation d’une  ancienne maison de retraite de 500 m² à Montmélian.
Enfin, la loi inscrit l’objectif ZAN parmi les missions des  établissements publics fonciers locaux (EPFL). L’EPFL de Savoie avait,  dès 2017, souscrit à ce principe, en créant un observatoire des friches  économiques, afin de favoriser l’optimisation du foncier artificialisé.  Il y a en effet, tant au niveau national que local, un besoin de  recensement et de qualification des friches, puis de dialogue avec les  collectivités, préalable à tout projet d’urbanisme.

LA RENATURATION DES FRICHES

Autre volet du ZAN, la renaturation est dorénavant codifiée comme un  objectif de l’action des collectivités publiques en matière d’urbanisme  (art. L. 101-2-1 du Code de l’urbanisme). Ce texte définit la  renaturation d’un sol, ou désartificialisation, comme les « actions  ou opérations de restauration ou d’amélioration de la fonctionnalité  d’un sol, ayant pour effet de transformer un sol artificialisé en un sol  non artificialisé ».
Concrètement, cela implique de déconstruire, dépolluer,  désimperméabiliser puis restaurer le sol, en profondeur, pour lui  permettre de retrouver sa fertilité et l’infiltration des eaux. Ce,  alors même que certaines pollutions des sols peuvent être regardées  comme irréversibles. Si le procédé peut paraître coûteux de prime abord,  certaines friches offrent des sols riches, car la végétation s’est  développée, de sorte que les limons de bonne qualité présents en  profondeur peuvent être utilisés directement plutôt que de transporter  de la terre saine depuis un autre site. D’autres acteurs ont pu faire le  choix de n’évacuer que les matériaux polluants et de conserver  matériaux et bâtiments restants comme support de la reconquête végétale,  comme à Saint-Nicolas-de-Redon (44) pour un projet de 5,5 hectares. Sur  le plan de la planification urbaine, le SCoT peut identifier « des zones préférentielles pour la renaturation, par la transformation de sols artificialisés en sols non artificialisés » (art. 197 de la loi – art. L. 141-10 du Code de l’urbanisme).
À l’échelle communale ou intercommunale, les orientations d’aménagement et de programmation du PLU peuvent déterminer « les  conditions dans lesquelles les projets de construction et d’aménagement  situés en limite d’un espace agricole intègrent un espace de transition  végétalisé non artificialisé (…), ainsi que la localisation  préférentielle de cet espace de transition » (art. L. 151-7 du Code  de l’urbanisme). Tout au plus tous les six ans après l’approbation (ou  la révision) du SCoT, un bilan de la réduction du rythme  d’artificialisation des sols doit être réalisé et communiqué au public  (art. L. 143-28 du même code). De même, le maire (ou président de  l’établissement public de coopération intercommunale doté d’un PLUI)  présente au conseil (municipal ou communautaire), au moins tous les  trois ans, un rapport relatif à l’artificialisation des sols sur son  territoire (art. L. 2231-1 du Code général des collectivités  territoriales).
C’est ainsi aux acteurs locaux, dotés de ces nouveaux outils, qu’il revient de s’en saisir.
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L’instruction d’une demande d’autorisation d’urbanisme est soumise au principe d’impartialité